Interaction

III - LES PRE-REQUIS DE LA CONCEPTION

Avant de concevoir des logiciels d'interface, deux éléments des systèmes Homme-Machine doivent être bien connus: les utilisateurs potentiels et la tâche.

1 - Les utilisateurs

Tout d'abord le concepteur doit être conscient qu'un nouveau système ne peut être adapté à la fois à tous les utilisateurs potentiels. Pour qu'il soit adapté à une population particulière, les caractéristiques de ces utilisateurs doivent être bien connues. En effet, des différences de population en termes de capacités, expérience, formation, etc., peuvent influencer la performance des utilisateurs sur des tâches informatisées. Les distinctions habituelles concernent par exemple les managers qui ont besoin de systèmes pertinents, faciles à utiliser; les spécialistes qui ont besoin de systèmes sur mesure, avec un recours possible à des programmeurs, les administratifs qui ont besoin de systèmes qui limitent les tâches ennuyeuses et répétitives.

Une des difficultés majeures est qu'un système aura des utilisateurs avec diverses caractéristiques qui vont évoluer à mesure que ces derniers acquièrent de l'expérience avec le système. Idéalement, un objectif de conception devrait donc être de construire des interfaces dont les éléments importants changent en fonction de l'acquisition d'expérience des utilisateurs, i.e., des systèmes possédant divers niveaux d'interface correspondant aux divers niveaux d'expérience.

Pour déterminer les caractéristiques de l'IHO, les concepteurs devraient connaître le détail des besoins des utilisateurs potentiels. En fait, les utilisateurs eux-mêmes peuvent aider à la définition des caractéristiques de l'IHO, dans la mesure où les bonnes méthodes sont utilisées, même si les utilisateurs ne sont pas familiers avec l'état de l'art des technologies informatiques et même s'ils ne peuvent pas toujours penser à la meilleure manière de tenir compte de leurs besoins. Par le moyen d'interviews et de mises en situation d'essai, on peut s'assurer avec les utilisateurs les plus expérimentés que toutes leurs exigences sont prises en compte. Par ailleurs, on sait que les utilisateurs potentiels seront d'autant plus enclins à accepter un système qu'ils ont été associés à l'établissement du cahier des charges et s'ils observent qu'un certain nombre de leurs suggestions ont été implémentées.

En résumé, il est souhaitable d'obtenir le concours des utilisateurs, mais il faut savoir que ces derniers ont des limitations.

Pour obtenir des informations exactes et appropriées auprès des utilisateurs, il est essentiel de s'assurer du concours de l'ergonome. L'ergonome peut en effet être considéré comme un médiateur entre le concepteur et l'utilisateur: il connaît les méthodes permettant de réunir les informations et exigences pertinentes pour la tâche de l'utilisateur et a l'expérience des différentes manières dont ces exigences peuvent être traduites dans la conception du logiciel.

Les utilisateurs novices ou naïfs sont probablement la population la plus large des utilisateurs de l'informatique. Ces derniers devraient être amenés à considérer l'ordinateur comme une machine qui obéit à des instructions exprimées selon un ensemble de règles très strictes, et non pas comme quelque chose de magique (souvent les utilisateurs attribuent à l'ordinateur plus d'intelligence qu'il n'en a en réalité). Il n'est pas nécessaire pour la plupart des utilisateurs de connaître en détail la nature ou le fonctionnement de l'ordinateur, de même que pour conduire une automobile, il n'est pas nécessaire de connaître dans le détail le fonctionnement du moteur à explosion.

Un point de vocabulaire: dans ce guide, on utilisera le terme expérimenté en se référant à l'expérience en informatique, particulièrement à l'expérience de l'interface et non pas (sauf cas précisés) en se référant à l'expérience de la tâche, notamment non informatisée.

Avant de présenter plus loin des recommandations plus précises, on peut déjà identifier un certain nombre de règles de conception du logiciel pour les utilisateurs naifs:

De façon générale, le concepteur doit garder en tête la façon dont le système va apparaître à l'utilisateur. Il doit connaître le séquencement logique des activités de l'utilisateur, basé sur l'analyse du travail. Quelle que soit la complexité apparente d'une transaction, il doit être possible de la découper en une série d'étapes plus simples.

La prise en compte des besoins des utilisateurs est très importante. Des lacunes dans ce domaine, qui produiront des systèmes inadaptés, conduisent à divers comportements des utilisateurs, tels que ceux qui ont été mentionnés précédemment.

2 - La tâche

Connaître précisément la tâche est essentiel pour la conception du logiciel. De nombreuses méthodes sont disponibles pour étudier et décrire les tâches avec ou sans sytèmes informatiques, avec l'objectif d'établir les exigences liées aux tâches ou pour évaluer des systèmes existants ou des prototypes.

On ne décrira pas ici ces méthodes. De telles descriptions sont en effet disponibles dans les manuels d'ergonomie, section analyse du travail. Cependant, il est important de rappeler à quoi servent ces techniques.

De façon générale, les techniques d'analyse du travail sont des moyens d'obtenir les données nécessaires pour alimenter les décisions mises en oeuvre dans la conception du logiciel. L'objectif est de définir, du point de vue de l'utilisateur, les exigences auxquelles le logiciel doit se conformer.

Cela concerne aussi bien le recensement des informations et fonctions constituant les tâches que le séquencement opérationnel entre événements, données, décisions, actions, etc. De telles analyses permettent la constitution de diagrammes de fluence, d'organigrammes et de scénarios qui seront des outils pour les décisions de conception, les simulations, et les évaluations. Les données recueillies concernent des aspects tels que les entrées/sorties, l'allocation des fonctions entre l'homme et l'ordinateur, la séquence des opérations, les caractéristiques et l'organisation des données, le niveau d'apprentissage requis, etc.

Ces analyses devraient faire partie d'un processus itératif aux différentes étapes du développement et de l'implémentation du logiciel. Ce n'est qu'en étant partie intégrante du processus de conception que ces analyses permettront d'éviter les erreurs de conception liées à une méconnaissance de la tâche et des utilisateurs, ou à un manque de méthodologie adaptée. De simples analyses sur le terrain ainsi que l'utilisation de techniques appropriées de description de la tâche et du dialogue permettent souvent d'éviter des erreurs de conception grossières.

Il faut souligner qu'une certaine prudence est nécessaire dans la pratique des techniques d'analyse du travail. En effet, celles-ci (e.g., observations, interviews, questionnaires, incidents acritiques, etc.) requièrent une formation et une certaine expérience pour être pertinentes et efficaces. Il y a en effet par exemple la tentation chez l'analyste novice de décrire certains événements ou certaines caractéristiques de la tâche qui sont sans importance ou traité(e)s hors de proportion, alors que d'autres aspects plus importants pour la conception de l'interface sont laissés de côté. Il y a aussi parfois la tentation de satisfaire le client plutôt que de mettre l'accent sur des problèmes critiques, ou bien encore de quantifier des données, des temps, sans la méthodologie statistique appropriée. Là encore, le recours au spécialiste en ergonomie est souhaitable.

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